ÉDLJC décrypte l'actualité - "Ribera : Ténèbres et lumière"

Retour sur l’exposition "Ribera : Ténèbres et lumière" au Petit Palais - du 05 novembre 2024 au 23 février 2025.

Première rétrospective monographique en France sur le peintre espagnol Juseppe de Ribera, l’exposition « Ribera : Ténèbres et lumière » -qui se tient du 5 novembre 2024 au 23 février 2025 au Petit Palais- ambitionne de démontrer à l’aune des dernières découvertes scientifiques, notamment sur la carrière romaine du peintre, que celui-ci, encore peu connu en France, est un des plus grands du XVIIe siècle.

Né en 1591 près de Valence, en Espagne, d’un père cordonnier, le jeune Ribera arriva en 1605-1606 dans une Rome où prélats, diplomates, mécènes et artistes firent de la cité papale une capitale politique et artistique au rayonnement incomparable. En peinture, Le Caravage, qui dût quitter Rome où il avait peint ses principaux chefs-d’œuvre et s'exiler, vers le Sud de l’Italie en allant jusqu’à Malte, à partir de 1606, avait déjà réalisé de ses nombreux chefs-d’œuvre. L’influence de son art sur un Ribera, sans formation poussée, fût immense. Si bien, qu’il pût être considéré comme un de ses élèves. Son biographe Mancini le présenta cependant comme plus «sombre et plus féroce» que Caravage. En effet, Il Spagnoletto* se singularisa et trouva son style propre. C’est à Naples, alors sous l’autorité de la Couronne d’Espagne, où il arriva en 1616, que Ribera atteignit sa maturité artistique et répondit à ses plus prestigieuses commandes. Il y mourut en 1652.

L’exposition, à l’élégante scénographie, propose un parcours chronologique et thématique qui démontre au spectateur la maestria et la singularité de ce peintre étonnement méconnu. Le spectateur peut également, grâce aux cartels « œil aiguisé », s’attarder sur des détails intrigants ou instructifs sur le sujet du tableau ou à propos de l’artiste. De plus, lorsque un tableau s’y prête, un cartel additionnel avec une image du tableau du Caravage et sa courte présentation, rapproche cette œuvre exposée à une œuvre du Caravage afin de comparer les compositions entre Ribera et le peintre italien, dont la comparaison est déjà omniprésente dans l’esprit visiteur depuis le début du parcours.

Par ses partis-pris ambitieux, l’exposition met en valeur des œuvres comme un Apollon et Marsyas où l’expression de la souffrance du satyre rivalise avec la représentation d’un Apollon aussi sadique que gracieux.

Pour cette toile imposante, réalisée en 1637, de 182 centimètres X 232 centimètres, Ribera quitte la pénombre et ajoute de l’air, de la lumière, de la clarté et de la couleur. Les mains vengeresses appartiennent à un visage étonnamment délicat, sans noirceur, coloré et gracieux. Des feuilles de laurier couronnent ses boucles dorées répondant à ses lèvres carmin et à la ganse bleu de son étoffe églantine. Le visage imperturbable d’Apollon s’oppose à la face hurlante du satyre Marsyas. En effet, ce dernier osa affronter Apollon, dieu de la musique, dans cet art même. Le satyre perdit. Dès lors, le dieu entreprit de le châtier de son fol orgueil- ou hybris en grec. Celui-ci, spasmé par la douleur, retient l’attention. La position de Marsyas rappelle celle des martyrs chrétiens, que Ribera a beaucoup représenté. À l’instar du Caravage, dont l’influence sur l’art de Ribera reste prégnante, une dimension théâtrale, voire opératique, émane du tableau. Par exemple, un chœur tragique constitué de trois satyres se trouve sous la branche de l’arbre où est suspendu l’aulos.

Juseppe de Ribera, Apollon et Marsyas, 1637. Huile sur toile, 182×232 cm. Museo e Real Bosco di Capodimonte, Naples. Su concessione del MiC – Museo e Real Bosco di Capodimonte / Photo L. Romano

In fine, cette exposition ardente et parfois triste, pouvant nous faire sourire, en retrouvant le même vieillard ridé d’un tableau à un autre, comme assombrir notre visage rapidement, comme devant cet Apollon et Marsyas, (ne ménageant pas nos émotions) est aussi émouvantes par ses toiles que convaincante dans ses développements. De ce fait, je vous la recommande.

* Littéralement, « le petit espagnol » en italien

Par Arthur Drouineau, vice-trésorier comptable pour le mandat 2024-2025.