Sur la colline de Chaillot, se dresse le palais Galliera. Ce palais abritait, au XIXe siècle, la riche collection d’art de Marie Brignole-Sale, la duchesse Galliera. Par choix, elle décide de léguer son palais à la ville de Paris. Ce n’est qu’en 1977 que Maurice Leloir décide de fonder, dans ce palais, le musée de la Mode. Les collections du musée se sont constituées dès 1905 grâce à la Société Historique du Costume et reflètent les codes de l’habillement et des habitudes vestimentaires en France du XVIIIe siècle à nos jours.
Le musée, à travers des expositions temporaires, présente et met en scène une partie de ses collections, en se focalisant le plus souvent sur une figure de mode, comme Givenchy en 1992, Marlène Dietrich en 2003 ou encore Martin Margiela en 2018. En 2021, grâce au soutien de la maison Chanel, le musée a été rénové et a pu ouvrir une nouvelle surface d’exposition. Cet espace au rez-de-chaussée présente des expositions dites « collections » qui ont pour vocation de présenter les pièces des archives du musées à travers des accrochages chronologiques et thématiques, renouvelés périodiquement en raison de la fragilité des œuvres.
L’exposition que je vous présente aujourd’hui s’inscrit pleinement dans ce type d’exposition collection. La Mode en mouvement exposée depuis l’été 2023, a fait l’objet de trois accrochages chrono-thématiques. Faisant écho aux Jeux Olympiques qui se sont déroulés à Paris en 2024, l’exposition balaie un large pan de l’histoire de la mode : elle commence par des robes à la française, de style Louis XIV, pour aboutir sur l’explosion du sportswear avec une salle consacrée à la « basket ».
Elle permet de comprendre comment la nécessité de se mouvoir a pu influencer considérablement notre vestiaire, et plus précisément le vestiaire féminin. En effet, par manque de pièces masculines, le Palais Galliera a choisi d’exposer essentiellement des vêtements féminins. Toutefois, la mode masculine est représentée grâce à des gravures de mode illustrant l’élégance masculine du XIXe siècle.
Afin de comprendre cette exposition, il faut garder en tête la notion du rapport au corps et son image, au fil du temps, parfois contrasté par l’idée de liberté de mouvement. On peut voir ainsi de manière chronologique l’évolution du vestiaire qui s’adapte au mouvement :
Au XVIIIe siècle, on portait de larges robes lourdes, construites à partir d’un « corps à baleine » pour affiner la taille. Cette silhouette fut critiquée dès 1770 pour ses effets néfastes sur la santé. Jean-Jacques Rousseau, contemporain de cette période, affirme dans Émile ou De l’éducation en 1762 que « tout ce qui gêne la nature est de mauvais goût” et que “la grâce vient de l’aisance du mouvement. ». Selon lui, la silhouette artificielle des robes à la française contraint le mouvement.
Pour répondre à ces critiques les vêtements s’adaptent, et sont influencés par la mode anglaise. Dans la mode masculine notamment, on porte le frac, inspiré des habits des officiers de l’armée navale anglaise, ce vêtement protège du froid, résiste aux conditions extérieures et permet de larges mouvements. De plus, dans l’ensemble du vestiaire, on privilégie désormais le coton, car il absorbe la transpiration et est plus léger sur le corps qu’une grande étoffe de taffetas de soie. Ainsi, la mode féminine s’adapte : l’exposition montre par exemple qu’au XIXe siècle, des robes étaient munies d’un système permettant de les raccourcir temporairement, durant les balades de plein air par exemple. Ce système permet de libérer les jambes pour faciliter la marche. Toutefois, dans un souci de bienséance, la femme devait rallonger sa robe une fois la promenade terminée. Worth, le premier couturier de mode, est contemporain de ces robes dites « à transformation » et propose lui aussi des robes qui libèrent le mouvement. Une exposition lui sera prochainement consacrée au Petit Palais.
Au tournant du XXe siècle de nouveaux modes de transport se développent. L’usage de la bicyclette se démocratise, notamment pendant les deux guerres mondiales, pour des raisons de rationnement et d’effort de guerre. Ce moyen de transport soulève des problématiques liées à la mode féminine. En effet, les pantalons n’ont été autorisés qu’en 2013 dans la mode quotidienne féminine bien que les robes ou les jupes s’avéraient inadaptées à la pratique de la bicyclette. Les femmes adoptent alors la culotte bifide, qui trouble la définition des genres. Cette culotte, adaptée à la silhouette féminine devient la jupe culotte. On retrouve de nombreuses caricatures dans les tableaux et gravures de l’époque tournant en dérision les femmes en jupe culotte. La jupe culotte se popularise, aussi appelée bloomer, et inspire des créateurs du début du XXe siècle comme Paul Poiret avec ses ensembles orientalisants des années 1920.
Cette exposition vous fera voyager à travers d’autres exemples au-delà de ceux que je viens de citer et vous montrera comment le vêtement s’est adapté au mouvement et à la pratique sportive, pour aboutir à une éloge du sport, et expliquer comment le vêtement dit « de sport » est devenu un vêtement quotidien pour notre génération.
Par Pauline Bion, responsable événementiel pour le mandat 2024-2025.