Le Louvre consacre à Jacques-Louis David une exposition qui dévoile un artiste bien plus engagé et vibrant que ne le suggère l’étiquette réductrice de « néoclassique ». Ses œuvres emblématiques, de Marat assassiné au Sacre, ont façonné notre imaginaire, mais elles masquent souvent la liberté d’un peintre convaincu que l’art peut agir sur le monde. Chez lui, l’idéal d’une société nouvelle se mêle toujours à un réalisme aigu, nourri de Caravage autant que de l’Antique.
Les débuts de David sont marqués par l’hésitation et les échecs répétés au Grand Prix de peinture, jusqu’à une crise profonde. À Rome, où il arrive en 1775, il se heurte aux contraintes académiques tout en découvrant l’immensité de la tradition. En 1779, une nouvelle rupture le pousse vers un langage plus dramatique : le caravagisme devient son antidote au rococo.

Le réalisme sombre de Saint Roch révèle un artiste transformé. De retour à Paris, David enchaîne les succès. En intensifiant Poussin, Caravage ou l’Antique plutôt qu’en les imitant, il affirme enfin sa voix propre. Le Serment des Horaces (1785) fait de lui le rénovateur de la peinture française.

Avec la Révolution, David s’engage pleinement. Ses œuvres résonnent avec l’actualité et inquiètent le pouvoir. En 1791, il entreprend Le Serment du Jeu de Paume, vaste célébration de l’unité révolutionnaire, qu’il ne pourra achever : l’Histoire dépasse la peinture.

Devenu député, membre du Comité de sûreté générale et président des Jacobins, David assume un rôle politique central. Il réorganise les arts et participe à la création du Muséum national des arts, futur Louvre public.
Associé à la Terreur, David sort affaibli mais déterminé. Soutenu par son épouse Charlotte Pécoul, il revient au Salon dès 1795 avec une série de portraits d’une grande simplicité, culminant avec celui, inachevé, de Juliette Récamier. Il renoue ainsi avec une peinture épurée, détachée des charges politiques, mais fidèle à ses idéaux.

Cette exposition révèle un artiste profondément contemporain : un créateur qui interroge la place de l’art dans les crises politiques et croit à sa capacité d’agir sur la société. David apparaît alors non comme un artiste figé, mais comme un homme de passions, d’idées et de combats.