Créée en 2012 avec le soutien de Van Cleef & Arpels, maison française de haute joaillerie, horlogerie et parfums de luxe, l’École des Arts Joailliers a pour mission de partager le savoir et la culture joaillières avec le public le plus large possible. Pour ce faire, elle propose d’une part des cours articulés autour du savoir-faire et de l’histoire du bijou, et de l’univers des pierres précieuses. D’autre part, afin de toucher le plus grand nombre, l’École des Arts Joailliers organise également des conférences, des publications ou encore des expositions de façon régulière, principalement au sein de ses sites permanents situés à Hong Kong, Shanghai, Dubaï, et bien sûr Paris. L’École des Arts Joailliers et École du Louvre Junior Conseil sont en collaboration étroite depuis maintenant plus de deux ans, avec déjà plus de six missions réalisées avec succès.
La mission consistait en une médiation autour de l’exposition « Bijoux de scène de la Comédie-Française », organisée par l’École des Arts Joailliers et qui s’est tenue du 13 juin au 13 octobre 2024 à Paris.
Cinq élèves de l’École du Louvre ont tout d’abord été sélectionnés en tant qu’intervenants, puis formés aux enjeux de la mission.
Par la suite, les médiations se sont tenues de début septembre à mi-octobre 2024. Il s’agissait plus précisément de médiations postées, à savoir que chaque intervenant était placé dans un espace précis de l’exposition en se rendant disponible auprès des visiteurs qui y passaient, afin de leur présenter une œuvre ou un thème lié à l’exposition et de répondre à leurs questions.
Enfin, une des cinq intervenantes a été chargée de réaliser un rapport d’analyse de la mission, détaillant le déroulé de cette dernière et les points positifs et négatifs rencontrés par les intervenants au cours de celle-ci. Ce rapport d’analyse a pour but d’attester que la mission a constitué une plus-value pédagogique vis-à-vis des enseignements de l’École du Louvre.
Grâce à la richesse de l’exposition et du bâtiment qui l’accueillait, les intervenants avaient la possibilité de créer de multiples échanges avec les visiteurs.
L’exposition se déroulait en effet au sein de l’hôtel de Mercy-Argenteau, l’un des sites permanents de l’École des Arts Joailliers. Situé boulevard Montmartre, dans le IXème arrondissement de Paris, cet hôtel particulier est l’une des plus anciennes demeures privées construites sur les Grands Boulevards et l’une des rares à avoir été conservée. À ce titre, il est inscrit à l’inventaire des immeubles remarquables de la Ville de Paris. Édifié en 1778 par un jeune architecte en vogue, Firmin Perlin, l’hôtel ne doit son nom non pas à son propriétaire, Jean-Joseph de Laborde, grand banquier et spéculateur, mais à son premier occupant, qui en obtint l’usufruit : le comte Florimond-Claude de Mercy-Argenteau, ambassadeur de Marie-Thérèse d’Autriche. Si l’hôtel a subi d’importantes transformations au fil des ans, on peut encore admirer de nos jours certains éléments d’époque Louis XVI ; citons par exemple l’escalier d’honneur orné de vases antiques et éclairé d’un lanterneau vitré, ou le salon d’apparat rythmé de portiques corinthiens et agrémenté de boiseries dorées sur fond blanc. L’aménagement intérieur et extérieur de l’hôtel est caractéristique du goût néoclassique, et illustre une tendance de l’époque où la demeure privée tend à devenir un monument public et visible.
Comme son nom l’indique, l’exposition traitait des bijoux de scène de la Comédie-Française, réunissant une centaine de pièces et d’archives très majoritairement issues des collections de ce théâtre. Objets paradoxaux, les bijoux de scène se situent aux confins du vrai et du faux, les parures conçues spécifiquement en faux pour le théâtre cohabitant avec les plus précieux joyaux offerts aux interprètes et portés sur scène. Éléments d’ornement du costume porteurs d’une esthétique, ils peuvent aussi servir à l’intrigue théâtrale et ainsi être manipulés en jeu. Leur symbolique est forte, et les dramaturges ont recours au bijou-accessoire en de multiples occasions pour définir et dénouer les situations. Aux yeux du public, l’objet factice rend crédibles les scénarios de fiction.
Parmi les œuvres phares commentées par les intervenants, on pouvait notamment compter le Diadème de Rachel aux perles et camées, datant de 1843, ou le Diadème d’Esther, tiré de la mise en scène de la pièce de Racine Esther par Françoise Seigner en 1987. Similaires de par leur typologie, ces deux objets adoptent pourtant des parti pris esthétiques radicalement différents : là où le Diadème de Rachel se distingue par sa finesse et ses élégants camées antiquisants, traduisant une remise au goût du jour du répertoire classique par le courant romantique, celui d’Esther présente un foisonnement d’inspiration orientaliste, à l’instar de la « femme-bijou » incarnée par Sarah Bernhardt dans Théodora de Victorien Sardou en 1884, où l’ornementation précieuse recouvre littéralement la comédienne. Le réemploi d’une structure du XIXe siècle semble d’ailleurs inscrire formellement l’objet dans cette lignée. Que ce soit à travers la sobriété de l’un ou au contraire le faste de l’autre, ces deux diadèmes témoignent en tous cas du raffinement et du soin particulier accordés à ces bijoux de scène, qui participent pleinement à la puissance esthétique et symbolique des représentations théâtrales.
Il est certainement plus parlant d’évoquer les conclusions tirées par les intervenants eux-mêmes ; voici donc quelques extraits du rapport d’analyse rédigé à l’issue de cette mission : « L’exposition présentait des objets inédits, rarement exposés au public, avec une grande variété de formes, de techniques et de supports. [...] La formation que j’ai reçue sur l’hôtel particulier et les bijoux m’a permis de relier ces connaissances techniques à celles acquises lors de mes études et mon parcours personnel. Les médiations m’ont aussi donné l’opportunité d’échanger avec des amateurs de théâtre ou de bijoux, enrichissant ainsi mes propres savoirs. [...] Personnellement, je pense que les médiations dans les expositions, de manière générale, prolongent l'exercice que nous réalisons lors des travaux dirigés devant les œuvres pour les passages à l’oral. [...] Pour les élèves, cette expérience [la médiation] est précieuse car elle permet de se confronter au public tout en confirmant, ou non, des choix professionnels. »
En définitive, ce type de mission se situe donc au cœur de la professionnalisation des élèves de l’École du Louvre. Il offre pour beaucoup une première expérience professionnelle accessible et rétribuée, dans le prolongement des enseignements scolaires.
Par Adrien Brabis, chargé qualité pour le mandat 2024-2025.